
28 avril 2016
DE FJORDLAND A QUEENSTOWN
Laissant dernière nous le Fjordland National Park, nous reprenons la route vers Queenstown, notre but ultime depuis plus de deux semaines. Pourtant, une fois sur place, nous ne nous sentons pas très à l'aise dans cette ville ultra-commerciale bondée. Tout y est neuf, sans âme et ressemble à une vaste machine à fric : boutiques de luxes, hôtels guindés et agences de tourismes chics s'entassent sur les avenues. Dans l'hyper-centre les restaurants sont bruyants, une jungle d'enseignes lumineuses nous agresse et des offres en tout genre cherchent à attirer l'attention des passants qui arpentent les rues au pas de course sans prendre le temps de vivre... Bref, nous ne nous sentons pas à notre place et Wanaka nous manque déjà !
Nous prenons le temps de boire une bière locale puis, passage obligé, de goûter au Fergburger : le « meilleur burger de Nouvelle Zélande ». Nous sommes abasourdis, à l'extérieur du boui-boui un amas de gens patiente sur le trottoir. Curieux, nous venons nous greffer au nombre. Tels des fourmis courant en tout sens, des dizaines de jeunes travaillent à la réalisation des burgers. Pourtant, une fois la commande passée, il nous faut encore attendre près de quarante minutes avant que notre numéro daigne enfin clignoter sur l'écran géant installé dans la rue. Nous réceptionnons notre repas et - les quelques tables mises à disposition de la foule étant assaillies de longue date - nous nous asseyons à quelques pas de là sur un banc froid de la rue pour croquer dans notre sandwich. Il faut bien l'admettre, le burger est savoureux, est-ce toutefois suffisant pour justifier l'attente de cette foule amassée ? On en doute encore ! Ce repas est pour nous l'occasion d'aborder le sujet délicat de Queenstown : rester pour postuler à droite à gauche, ou fuir cette ville qui nous oppresse ?
Le lendemain nous évitons de retourner dans le centre et prenons l'air grâce à une courte marche sur les hauteurs des collines environnantes. Il faut nous rendre à l'évidence : nous exécrons cette ville et ne nous sentons pas d'y passer l'hiver. Pour preuve, s'il en faut une, nous n'avons pas même penser à dégainer l'appareil photo une seule fois lors de notre passage. Bien que les opportunités de travail soient plus nombreuses ici, nous optons pour la fuite. Nous prenons la route avec hâte en direction de l'Est avec, en ligne de mire, la péninsule d'Otago.
R&G

Commenter cette brève ?
De retour du glacier, nous rentrons dans les terres et roulons vers Wanaka, petite ville prenant vie l'hiver grâce à la proximité des stations. Tandis que nous nous rapprochons de la bourgade, nous sommes émerveillés par la métamorphose du paysage. En quelques heures de route nous faisons un bond considérable dans le temps : nous quittons la vigueur de l'été pour nous immerger dans les couleurs chatoyantes d'un automne largement entamé. Subitement, les arbres se parent de feuilles rouges, oranges et dorées, le soleil se montre doux et velouté, les soirées rafraîchissent et la nuit nous cueille bien trop tôt. Sur le lac, le coucher de soleil est resplendissant et immédiatement, nous sommes tous les deux empreints d'un bon sentiment envers cette ville. Sans même encore la connaître, déjà nous nous y sentons bien.
Le lendemain, alors que nous devions partir en direction de Queenstown au plus vite à la recherche d'un travail, nous décidons de nous attarder un peu ici. Nous visitons la bourgade et, convaincus, décidons de mettre à jour nos CV pour postuler immédiatement. Nous faisons le tour de tous les cafés et restaurants et semons nos CV aux quatre coins de la ville. Contrairement à ce que nous avions imaginé, personne ici n'embauche de personnel pour les former avant que la saison ne commence. Si tout le monde aura besoin de renfort en juin, personne n'embauchera en mai... autrement dit : nous sommes très en avance !



Vue sur Queenstown et son lac



L'automne est arrivé en force !

Le lac de Wanaka

Nous décidons donc de poursuivre notre périple, de partir à la découverte du Sud de l'île pour être sur place le moment venu. Direction la région Southland (au Sud-Ouest) où nous attend, au cœur de l'immense parc national Fjordland, le Milford Sound. Il est l'un des deux seuls fjords ouverts aux curieux sur la vingtaine que comprend le parc. En ouvrant l'atlas pour examiner l'itinéraire à suivre, nous découvrons qu'il n'est pas bien loin de Wanaka, à vol d'oiseaux deux heures de route seraient peut-être nécessaires pour le rallier... mais c'est loin d'être aussi simple. Il n'y a qu'une route qui permet d'y accéder et au lieu de se diriger vers l'Ouest en direction de la côte, elle plonge dans un interminable V en direction du Sud pour remonter au Nord. Si l'on faisait la route d'une seule traite, il ne nous faudrait pas moins de huit heures pour atteindre le fjord. Il paraît toutefois que cette route vaut le « détour » (si l'on peut encore appeler ça comme ça) et nous ne sommes, de toute manière, pas pressés.
Nous prenons donc la route en direction du Fjord. Les premières heures ne sont pas particulièrement intéressantes et nous regardons défiler toutes sortes de paysages sur fond de Johnny Cash tout en discutant, en se lisant les aventures d'Ayla, ou chantonnant à tue-tête. Nous entamons la remontée vers le Nord, puis l'entrée dans le parc national et enfin la dernière centaine de kilomètres : plus nous avançons, plus le paysage devient majestueux. Autour de nous, des monts de plus en plus escarpés se succèdent au cœur des lourds nuages qui s'imposent ces jours là. La plaine aride sur lesquels ils reposent laissent bientôt place à des canopées dont on peut voir s'échapper le souffle vital sous forme de nuages de buée. Nous nous arrêtons brièvement aux « Mirror Lake », un lac miroitant qui fait écho au lac Matheson du Fox Glacier.
La route tortueuse finit par nous amener à l'embouchure du fjord. Nous y découvrons un très bel endroit où une multitude de pyramides rocheuses s'érigent et s'entremêlent inébranlablement. A leurs pieds, les flots marins sillonnent laborieusement en un couloir étroit et se meurent sur la berge, à quelque pas de nous. La brume s'amasse le long des façades rocheuses et seuls quelques rayons de soleil parviennent à percer la masse nuageuse, venant illuminer les flots et souligner les arêtes saillantes des monts acérés. Lorsque l'on arrive à faire abstraction de l'impressionnante concentration de touristes, on contemple un paysage paisible et d'une grande force dont on a le sentiment qu'il a toujours été là, immuable, et qu'il le sera bien après nous. On se sent bien petit, quoi !
Nous hésitons très longuement à nous offrir une visite du fjord en bateau - qui est l'unique façon d'en voir plus. La raison l'emporte difficilement et nous restons à terre car la météo est très incertaine et la somme demandée, coquette.
Alors que nous nous apprêtons à repartir, nous tombons nez à nez avec un Nestor Kea - ce perroquet dodu - qui, loin d'être peureux, règne en maître sur les lieux. Nous suivons ses cabrioles, voletant de capots de voiture en tables de restaurant, chipant ici ou là tout ce qui se trouve sur son passage !


On inaugure nos nouveaux livres de cuisine


Sur la route du retour, nous faisons deux escales. Une première aux Chasm, un torrent au courant virulent qui, à la force des flots, a poli toutes les roches sur son passage. C'est un bel endroit perdu dans une forêt de feuillus aux troncs recouverts de mousse. Sur les conseils d'un internaute, nous quittons le sentier officiel et nous enfonçons à travers les arbres en longeant de loin le cours d'eau agité, jusqu'à atteindre une petite crique « cachée ». C'est un véritable petit paradis où l'eau turquoise s'apaise dans une « piscine » naturelle avant de reprendre son rythme effréné. Si la météo avait été plus clémente, on se serait volontiers attardé pour une petite baignade !!
Deuxième escale, un peu plus loin sur la route, au Key Summit. Cette courte randonnée grimpe jusqu'à un plateau offrant une vue époustouflante sur la vallée et les monts à trois cent soixante degrés. Malheureusement nous partons un peu tard et le ciel est chargé d'une épaisse couche de nuages sombres. Grâce à quelques rapides éclaircies, nous avons tout de même l'occasion d'apercevoir un fragment de la beauté des paysages qui doit, d'ordinaire, subjuguer ce promontoire. Un vent froid perfide règne sur le plateau et nous force bientôt a entamer la descente. On se retrouve huit cent mètres plus bas en moins de temps qu'il ne faut pour le dire, poussés par l'envie de quitter le sentier avant que ne se meurent les dernières lueurs du crépuscule.


Une forêt qui ressemble (un peu) aux nôtres - avec plus de mousse

La grisaille et le vent froid finissent par nous faire redescendre
