
juillet - août 2016
WANAKA - PARTIE II
Le début du mois de juillet à une signification toute particulière pour nous : si certains entérinent leurs noces de diamant (60 ans !!!), nous fêtons de notre côté nos « noces » de bois puisque cela fait maintenant cinq ans que nous marchons main dans la main, ivres d'amour !
Nous marquons le coup par un réveillon de Noël en amoureux cuisiné de nos blanches mains : canapés à la crème de champignon, écrasé de brocolis et « boudin blanc » néo-zélandais, compotée de pommes et sa croustade poêlée. Parmi tous les petits présents abandonné par le père Noël sous notre sapin s'est glissé une imitation néo-zélandaise du Reblochon. Ni une ni deux, quelques jours plus tard nous fêtons à nouveau notre anniversaire (parce qu'on s'aime vraiment beaucoup) mais autour d'une tartiflette cette fois !!! Un régal !
Nous commençons à prendre nos repaires dans notre nouvelle vie à Wanaka. Nous nous familiarisons avec nos jobs et nos collègues, avec les bars, restaurants et saisonniers de la ville ! Entre autres événements, nous nous levons très tôt un matin et nous rendons dans un bar peuplé d'une soixantaine de français afin d'assister en direct à la défaite de l'équipe de France en finale de l'Euro de football !
Nous suivons de loin l'actualité française, à la fois navrante, triste et effrayante, qui ne nous donne pas franchement envie de rentrer en mère patrie. Heureusement que vous serez là, vous, pour nous exhorter à rebrousser chemin le moment venu !

Commenter cette brève ?
Une petite semaine avant notre date butoir, la situation se débloque enfin : l'essai de Robin en tant que « kitchen hand » à la Speight's Ale House est concluant et il est embauché dans les jours qui suivent. Ô joie ! Enfin !
Sous le terme de « kitchen hand » se cache un poste principalement fondé sur la plonge de la vaisselle utilisée en salle et des ustensiles de cuisine. A coups de jet puissant et de lave-vaisselle minute, ça serait presque un jeu d'enfant si on oubliait qu'il faut parfois récurer jusqu'à six-cent couverts par jours !
L'ambiance de travail est détendue et l'équipe multiculturelle : Bex, la chef, est kiwi mais a longtemps vécu en Europe ; Thompson, le sous-chef, est maori ; parmi les commis et serveur/euses on compte des anglais, allemands, hollandais, américains, coréens, indiens... Robin est, par miracle, le seul français du restaurant. Il peut ainsi pratiquer son anglais et même apprendre quelques mots de maori !
Il a la chance d'être l'un des seuls membres de l'équipe du Speight's à avoir des horaires fixes : il fourbance de neuf heures à seize heures, du vendredi au mardi. Faisant l'ouverture chaque matin, ses tâches sont plus variées que celles des « kitchen hand » le relayant pour la soirée. C'est à lui de réceptionner les livraisons et de ranger les denrées du jour. Entre deux piles d'assiettes, il donne aussi un coup de main à la préparation des plats en épluchant et en coupant quelques kilos de légumes... autant de vaisselle en moins ! Dernier avantage, et non des moindres, sa « shift » matinale lui évite le rush des cohues de touristes affamés redescendant des pistes à la nuit tombée et, par la même occasion, la clôture du restaurant qui rime avec un ménage approfondi de la cuisine !!!
Ici, pas de rythme imposé, chacun est libre de gérer son temps, ses pauses et ses tâches comme il en a envie tant que le travail est fait en temps et en heure. Les premiers jours, Robin a un peu de mal à trouver les moments adaptés pour prendre ses pauses. Il se retrouve plus d'une fois à croquer à la va-vite quelques bouchées d'un burger refroidissant posé sur un coin du lave-vaisselle tandis que les piles d'assiettes s’amoncellent sur le plan de travail ! Mais bien vite il prend le pli et l'auto-gestion lui plaît beaucoup.
La nourriture proposée aux employées est une version très épurée du menu du restaurant, c'est plutôt bon mais peu varié... autant dire que Robin n'a jamais mangé autant de burgers de sa vie ! Heureusement, de temps à autre une assiette de frites traîne en cuisine, des récipients mal vidés lui permettent de goûter d'autres préparations et les chefs mitonnent parfois quelques mignardises qu'ils se partagent en cuisine.

En face du Moorings


Une voiture pleine de gibier garée devant le bar... normal !

En face du Moorings


Amar dans les cuisines

La petite bière de fin de service !

Bien que ça ne soit pas le travail idéal pour ses mains déjà abîmées, les gants de vaisselle limitent l'impact de l'eau chaude sur sa peau fragile. En revanche, le puissant bruit du jet percutant les parois des récipients en inox met notre berrichon à mal, provoquant parfois des migraines carabinées après sept heures de labeur !
Peu importe ces quelques maux, ce travail est une libération !
Pour Gaby, en revanche, la première semaine de Robin au Speight's est difficile à vivre. Les journées sont longues et la liste des commerces n'ayant plus besoin de saisonniers s'allonge toujours aussi cruellement.
On lui propose bien un travail de serveuse dans un restaurant méditerranéen mais deux problèmes majeurs l'empêchent d'accepter l'offre : d'une part, le restaurant n'est ouvert que le soir ce qui ne lui ferait qu'un travail à mi-temps (ce qui est mieux que rien mais pas terrible quand même) ; d'autre part, la serveuse que Gaby pourrait remplacer ne part pas en vacances avant encore près de deux semaines (ce qui, dans le contexte, s'apparente à une éternité).
Le salut arrive sans crier gare, un matin de juillet. Peter, le manager du Moorings (un hôtel à deux pas du centre, faisant face au lac) lui propose de venir immédiatement passer un essai. Ni une, ni deux, elle se précipite sur place plus heureuse que jamais de... faire du ménage ! On lui confie le bon soin des salles de bain de petits studios : récurage des baignoires et WC, pliage de serviettes, aspirateur et serpillière. L'essai est concluant et, miracle, on lui propose un mi-temps matinal... ce qui lui permettrait d’enchaîner le soir sur le service à la White House (le restaurant méditerranéen) ! La chose est conclue en un tour de main et le soir même Gaby annonce à son amoureux qu'elle n'a non pas une, mais bien deux promesses d'embauche !
Peu de gens le savent, mais dans le monde du ménage hôtelier, il existe une hiérarchie complexe pour évaluer votre place sur l'échiquier ménager. Après le nettoyage des salles de bain (premier barreau de l'échelle), on apprend à faire correctement les lits (il faut alors savoir différencier en un clin d’œil un matelas « queen » d'un « king », un oreiller synthétique d'un rembourré de plumes d'oie), puis viennent les fenêtres, les poussières, les barbecues et, enfin, le grade ultime : la cuisine. Lorsque l'on vous confie votre première cuisine, c'est une véritable reconnaissance de votre dur labeur !!
Mais attention, ça ne s'arrête pas là, il faut croiser cela avec une échelle hiérarchique concernant les logements : d'abord les studios composés d'une chambre avec cuisine et petite salle de bain (comptez une quarantaine de minutes de ménage à deux) ; puis viennent les appartements sur deux niveaux avec pièce à vivre, deux chambres, une ou deux salles de bain (environ une heure de travail à trois) ; Enfin les villas de quatre niveaux avec beaucoup trop de pièces et deux fois plus encore de marches à gravir (près de deux heures de ménage à quatre).
Autrement dit, gérer le nettoyage de la cuisine d'une villa est... la reconnaissance ultime, le Graal de la soubrette ! Pour vous faire une idée, Gaby en est aujourd'hui quelque part entre les poussières des villas et les cuisines des appartements !!!
Globalement le travail n'est pas franchement palpitant, mais bien moins pire qu'elle ne l'avait imaginé avant de commencer. Comme les logements sont nettoyés chaque jour, ils sont peu salis entre deux passages. A chaque nouveau locataire, elle se sent comme une petite souris qui rentre au cœur de l'intimité d'inconnus, tentant de faire son travail au milieu des magazines, des culottes et des piles de vaisselle sale. Il est stimulant d'imaginer qui vit là (origine, âge, motif du séjour) : elle s'invente des histoires, s'amourache de ceux qui ont si bien fait leur lit et leur vaisselle, se fait des ennemis jurés des bordéliques et de ceux qui laissent télévision, lumières et chauffage allumés en quittant leur logement. D'une manière générale, les locataires sont malgré tout plutôt respectueux.


Fidèles compagnons de travail

L'équipe !

Chaque jour, les équipes de travail changent, des petits groupes (de deux à quatre) sont formés et se répartissent les différents logements à briquer. Une ambiance de franche camaraderie règne au sein de l'équipe principalement composée de Néo-Zélandaises sexagénaires pleines d'entrain et de joie de vivre. On y trouve aussi quelques jeunes maman qui ont opté pour ce travail à mi-temps leur permettant d'être présentes pour leurs enfants jusqu'à la fin de leur scolarité (chose très commune en NZ). Et puis il y a les trois saisonnières embauchées en renfort pour la saison d'hiver : Sarah l'angaise, Carina l'allemande et Gaby. Une équipe cent pour cent féminine qui cancane, potine et plaisante bruyamment lors de la pause matinale autour d'un « english tea », de crackers aux fromage ou de scones à la confiture, un rituel bien british que chacune attend avec impatience.
Grâce à nos deux emplois, nous avons enfin un peu d'argent qui rentre dans les caisses et il était temps car nous avons de plus en plus de mal à supporter la température dans notre maison ambulante. Chaque matin avant d'aller au travail, non content d'affronter le froid, il nous faut aussi ranger le camion, le préparer pour la route (eaux usées, clôture des placards, ficeler poubelles et réserve d'eau...), le faire longuement chauffer, puis rouler jusqu'au centre et nous garer pour la journée sur des parkings publics à durée limitée (on nous a dit qu'il n'y avait pas de contrôle l’hiver mais on n'est tout de même pas très tranquille).
Pour mettre un terme à cette situation bancale, nous nous lançons dans la recherche d'un terrain où garer Alphonse. Nous mettons des annonces sur les réseaux sociaux et dans les commerces, demandons à nos connaissances et faisons le tour de tous les campings du coin pour connaître leur prix au cas où aucun particulier ne nous contacterais.
Les campings coûtent cher et sont éloignés du centre, pourtant sur les réseaux sociaux tout le monde nous dit que nous ne trouverons pas mieux car la course aux hébergements pour la saison d'hiver est très rude à Wanaka. Nous avons finalement quelques appels de particuliers nous proposant leurs jardins dans les villes alentours mais nous déclinons car nous avons l'espoir de trouver à nous garer suffisamment proche du centre pour pouvoir faire tous nos trajets à pied. Après quelques jours de recherche, cet espoir s'incarne en la personne de David, qui nous appelle pour nous proposer une place dans son jardin sur Upton Street. C'est une rue résidentielle paisible, littéralement à cinq minutes à pied de l'hyper centre. Le courant passe bien avec David et dès le soir même nous prenons possession des lieux.
Nous nous installons sur la partie la plus plate du terrain, nous branchons à l'électricité en passant par la fenêtre de l'une des chambres de la maison et, miracle, le chauffage se met en marche. En quelques minutes Alphonse est chaud et accueillant. Depuis notre chez nous, nous avons vue sur les montagnes enneigées et partageons le jardin avec quantité d'oiseaux qui vivent dans les arbrisseaux voisins.
Le petit loyer dont nous avons convenus avec le propriétaire comprend l'accès à la salle de bain et aux toilettes, mais David est sympa et rapidement il nous autorise à remplir notre bidon d'eau potable, à utiliser la machine à laver et même internet... On est aux anges ! D'autant que cette maison n'est qu'une maison de vacances pour la famille Sherlock. Résultat, pendant les vacances scolaires nous vivons à leurs côtés, mais bien vite ils retournent à Auckland, laissant place à deux couples d'amis puis... personne ! La maison reste vide et nous sommes libres d'entrer et sortir à toute heure du jour et de la nuit... Nous sommes chez nous. L'hiver est là, et nous en profitons pour de bon maintenant que nous sommes douillettement installés !

Notre nouveau chez nous !

On prend nos aises

A deux pas de notre maison

Notre nouveau chez nous !
La suite dans la prochaine brève...
R&G