
21 avril 2016
WEST COAST
Nous quittons le Franz Josef et le Fox glaciers mécontents, et décidons de retenter notre chance avec le Rob Roy Glacier, plus loin dans les terres. En effet, il y a bien de nombreux autres glaciers dissimulés dans les Southern Alps qui sont, certes, moins vastes et moins populaires que le Franz et le Fox, mais desquels on peut plus facilement s'approcher (tout en fuyant la majeure partie des touristes).
La route qui nous permet de nous y rendre est une nouvelle fois magnifique. Nous traversons une plaine glacière : une vaste étendue de prairie verdoyante engoncée par les monts enneigés et les collines qui la dominent. En une grosse centaine de kilomètres, nous faisons de nombreux arrêts afin de profiter des panoramas, de chutes d'eau comme les Thunder Falls ou encore de promenade dans des forêts qui, pour la première fois, ressemblent à celles que nous connaissons : des feuillus de belle envergure, de la mousse sur les troncs, le crissement de nos pas sur l'humus et le pépiement des oiseaux.
Nous nous arrêtons aussi aux Blue Pools. C'est une plage de galets léchée par une eau glaciale d'un bleu aussi pur que translucide. La plage de galet est le berceau de dizaine de cairns de toutes formes et de toutes tailles : certains sont minuscules, d'autres plus hauts qu'un Homme, certains sont érigés par couleur, d'autres sont de vrais tours de force d'équilibre... Ces petits amas simples et élégants confèrent une atmosphère féerique au lieu, on ne peut que penser à tous ceux qui sont passé là avant nous : voyageurs ou locaux, grands et petits, groupes d'amis, sortie familiale ou pèlerinage solitaire... Sans jamais s'être rencontrés, tous participent ensemble à transformer ce lieu déjà doté d'une magie naturelle en une œuvre collective vivante. Seule ombre au tableau : les sandflies qui règnent en maître sur les lieux, et nous attaquent par dizaines (si possible toujours au même endroit : pied, cheville, avant bras).
On ne vous en a pas encore parlé ? Ces sortes de petits moucherons d'aspect innocent sont en réalité avides de notre sang... En gros, ce sont les pires animaux du monde, sans la moindre exagération !! Elles sont petites mais elles mordent avec hargne et ne laissent, à leur départ, qu'une tache de sang. Très vite, la blessure se met à vous brûler et à vous démanger frénétiquement puis s'infecte, laisse des croûtes et des marques blanchâtres qui mettent plusieurs semaines à disparaître (tout dépend de votre acharnement à vous gratter en réalité !). Nous vivons en étroit concubinage avec elles puisque les grilles d'aération et les joints usés de notre Alphonse leur permettent d'aller et venir à leur guise. Souvent dépassés par leur nombre, nous dénombrons à ce jour quelques crises de nerfs magistrales se terminant inlassablement par un carnage consumé mais pas franchement utile puisqu'elles reviennent toujours.

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Nous prenons la route en direction du Sud pour rejoindre les Alpes Néo-Zélandaises qui devraient prochainement se couvrir de neige et accueillir les nombreux adeptes de sports d'hiver. Pour cela deux routes sont possibles et il faut choisir son camp : longer la côte Est ou la côte Ouest ? Nous optons pour la seconde qui nous paraît plus directe. Peu après notre départ, nous embarquons un auto-stoppeur qui se trouve être français et avec lequel nous roulons plusieurs heures en discutant de tout et de rien.
Arrivés à proximité de Westport nous nous arrêtons au Cape Foulwind qui, d'après notre guide, abrite une colonie d'otaries. Étonnamment ce que le guide ne dit pas, c'est que la marche qui nous y conduit est magnifique ! Nous longeons des falaises déchiquetées coiffées de reliefs verdoyants. En bas, criques et plage de sable blond nous aguichent et nous narguent.
Nous atteignons la colonie en fin d'après-midi et passons un long moment à observer les otariidés qui ont élus domicile dans les ressacs rocheux au pied de la falaise. La plupart sont étendues sur les rochers à la recherche des derniers rayons du soleil et se dodelinent difficilement pour trouver le meilleur emplacement. Les bébés sont plutôt vifs et agiles, mais plus elles sont grandes et dodues, plus elles lutent pour se mouvoir (surtout sur un terrain rocheux aussi accidenté que la crique où elles ont pourtant élu domicile). Dans l'eau, c'est une autre histoire ! On est fascinés par la partie de pêche qui se dispute dans un petit bassin naturel créé par la falaise. C'est tout simplement un piège fatal dans lequel les poissons se trouvent acculés et doivent alors faire face à l'aisance incroyable de dizaines d'otaries qui ondulent, plongent et sautent en tous sens, formant à la surface une sorte de serpent géant en mouvement constant !
Nous marchons sur le chemin du retour jusqu'au van à la lueur du soleil couchant qui baigne le paysage déjà superbe d'une douce lueur rosée. On se gave du lustre du panorama.








Plus bas sur la route, nous passons à côté de l'un des sites naturels les plus visités du pays : les Pancakes Rocks. Comme tout le monde, nous nous y arrêtons, prêts à dégainer l'appareil. Ici la côte héberge des formations rocheuses particulièrement intrigantes : la falaise est composé de deux types de roches superposées en strate successives qui réagissent différemment à l'action du vent et de la mer. L'une se se laisse volontiers gagner par une érosion rapide, tandis que l'autre résiste plus vaillamment. On a donc visuellement l'impression de lorgner sur un empilement chancelant de kapla rocheux !
C'est une jolie découverte, mais aussi une véritable autoroute à touristes ! Nous ne nous attardons pas.




Lors de cette descente de la côte Ouest, nous roulons beaucoup -plus de 750km – et traversons des paysages superbes où falaises, collines, plages et forêts natives se succèdent. Nous avons la chance de découvrir la partie la plus « météorologiquement capricieuse » du pays sous le soleil resplendissant d'un très bel été indien qui ne nous quitte pas depuis notre arrivée sur l'Île du Sud.
Rapidement, nous atteignons les Alpes Néo-Zélandaise et les longeons jusqu'à arriver dans la région des glaciers.
Nous nous promenons autour du Lac Matheson dont la surface est réputée pour ses qualités miroitantes et, en effet, il est parfois difficile de discerner la réalité de son reflet. Nous y apercevons pour la première fois la neige Néo-Zélandaise qui, il faut le dire, ressemble à s'y méprendre à la nôtre, si ce n'est qu'elle foisonne en juillet et se meure en décembre !
Un peu plus tard dans la journée, nous tentons de partir à la recherche de vers luisants « sauvages » par nous même, que l'on peut voir en différents endroits bien précis qu'indiquent certains internautes sur WikiCamp (notre carte de freecamps). Munis de nos lampes de poche, nous commençons par l'exploration d'un ancien tunnel minier. Celui-ci, totalement abandonné depuis des années, sinue interminablement dans la montagne et permet à peine le passage de deux personnes de front. Mais tout le piquant de l'expédition réside dans le fait qu'au creux du tunnel coule un ruisseau d'eau glacière dans lequel nous devons marcher pieds nus car nous n'avons qu'une paire de godillots et une randonnée prévue le lendemain qui, bien qu'elle soit courte, nécessite tout de même le port de chaussures ! La température Arctique de l'eau combinée aux roches du lit du ruisseau qui nous lacèrent les pieds sont un calvaire d'autant plus rude que l'on marche longtemps, très longtemps ainsi, sans voir le moindre ver luisant. Nous nous acharnons et poursuivons jusqu'à apercevoir les premiers vers « sauvages ». Plus nous nous enfonçons, plus ils sont nombreux, à l'apogée nous en observons quelques dizaines qui luisent tout autours de nous, à portée de main. C'est incontestablement bien moins impressionnant que la grotte que nous avions visitée et qui en abritaient des milliers, mais c'est plus romanesque !! Nous ne pouvons pas rester très longtemps à les observer car l’immobilité dans l'eau glacée est tétanisante. Faire demi-tour et revenir sur nos pas est alors une rude épreuve, bien plus encore que l'aller, où chaque pas est plus douloureux que le précédent. A la sortie nous sommes ravis de retrouver un sol somptueusement plat et sec, nous savourons le chaleureux contact de nos chaussettes comme jamais auparavant ! Nous sommes toutefois contents de cette promenade aussi grotesque qu'inhabituelle, aussi douloureuse qu'amusante.







Les pieds au sec !

Après une bonne nuit de repos, nous partons à la découverte des glaciers. Le Franz Josef et le Fox, sont les deux principaux « ouverts » aux touristes. Ils s'étendent sur plus de 10km depuis le cœur des Southern Alps jusqu'à la côte. Comme l'avaient fait Julie et Gabi nous espérions pouvoir randonner sur le glacier armés de piolets et de crampons, mais depuis plusieurs années cela n'est plus autorisé. On peut, au choix, se rendre au pied du glacier pour l'apercevoir de loin (gratuitement) ou se faire déposer en hélicoptère pour une randonnée glaciaire guidée (pour la coquette somme 400$ par personne)... Pas d'intermédiaire possible ! Vous vous doutez bien que l'on n'a pas réfléchi longtemps avant d'opter pour la première option -un peu dégoûtés toutefois par l'atmosphère financièrement élitiste des lieux.
Nous nous rendons donc au pied du Fox Glacier où nous attend malgré tout une très jolie marche au cœur de la vallée glacière : eau laiteuse, roches multicolores (rouge, bleues, vertes...) et parées de mousse, falaises abruptes couvertes de forêt, c'est très majestueux et l'on se sent bien petit. Aux confins de la vallée nous apercevons un bout (sale et fondu) du lointain glacier... décevant, comme prévu !
Après plus de trente kilomètre de gravel road, et pas moins de neuf passages à gué, nous finissons par arriver de nuit au pied du mont abritant le Rob Roy. Au cœur des étoiles et à la lueur de la lune, on voit distinctement la neige se refléter au sommet du pic qui nous domine, c'est déjà très beau ! C'est aussi l'occasion rêvée pour Gaby de tester les capacités de pose longue du nouvel appareil photo allié au GorillaPod... et c'est très chouette !
Le lendemain matin, les chaussures aux pieds, le pique-nique dans le sac et les sacs sur le dos, nous sommes prêts pour notre face à face avec le glacier. Le chemin commence tranquillement, en longeant la Matukituki River au cœur des champs et du bétail avant de la traverser via un pont suspendu comme on en voit tant ici. Nous rentrons alors dans une forêt de hêtres tout en longeant la rivière glacière. Nous entamons ensuite une longue grimpette qui nous emmène jusqu'au pied de l'impressionnant glacier. A 360 degrés, le panorama est saisissant. D'un côté il y a ce mont massif qui trône fièrement sur la vallée coiffé par sa masse de glace d'un blanc pur aux reflets bleutés surréaliste. De l'autre, nous surplombons toute l'étendue de la forêt de hêtres qui coure jusque sur les parois à pic de la montagne et dont s’échappe timidement des chutes d'eau pourtant vertigineuses. Très naturellement, comme si c'était là la seule chose à faire, tout les marcheurs s'octroient un rocher pour contempler silencieusement le panorama. L'après-midi étant déjà bien avancé, le soleil ne tarde pas à disparaître derrière le glacier, léchant la glace de ses derniers rayons. Le crépuscule nous accompagne paisiblement sur le chemin du retour et nous regagnons Alphonse conquis par cette dernière étape sur la côte Ouest.
R&G.

Gaby s'amuse avec l'appareil photo



Gaby s'amuse avec l'appareil photo